Blog de Norore
Geek en perdition dans un monde qui va trop vite

Le libre, ce n'est pas qu'un truc de geeks

13 Jan 2018 - Norore
Un ciel bleu au milieu des nuages.

Si vous êtes libriste, vous avez sûrement déjà entendu dire que « c’est un truc de geek/nerd ». Peut-être bien même que vous l’avez vous-même prononcé avant de découvrir ou de comprendre ce qui se cache derrière cette philosophie de vie. En tant que libriste convaincue et installeuse régulière, j’aimerai revenir sur quelques points et clichés qui ont encore et toujours la vie dure, tout en essayant d’argumenter pour les briser.

Si jamais j’ai écrit de grosses bêtises, n’hésitez pas à apporter vos corrections en commentaire :) !

Si c’est libre, alors c’est gratuit (et inversement)

Lorsque l’on me demande ce qu’est GNU/Linux, j’ai pour habitude de répondre que c’est un système d’exploitation libre et gratuit. Autant la question qui suit « ça veut dire quoi ‘libre’ ? » est assez fréquente, autant une seule personne m’a demandé ce que j’entendais par gratuit. Aussi surprenant que cela puisse paraître, un logiciel libre peut être payant, que ce soit pour installer facilement l’outil, suivre une formation pour le maîtriser ou encore payer le support en cas de problème.

Dans le monde des systèmes d’exploitation libre, RedHat est open source et payant. C’est historiquement cette entreprise qui a mis en place le système de packaging RPM qui a par la suite été repris dans le monde de GNU/Linux, de par la licence utilisée pour cette fonctionnalité bien pratique. C’est grâce à elle que nous pouvons installer facilement nos outils et logiciels préférés sans devoir compiler les sources. RedHat a par la suite été dérivée sous un autre système d’exploitation bien connu dans le monde du libre : Fedora. Un bel exemple de logiciel libre et payant, selon moi, mais je peux me tromper.

Si c’est gratuit c’est que c’est buggué

Et si c’est payant, ce sont des fonctionnalités :) ?

Troll mis à part (couché !), oui un logiciel libre peut être buggué, tout comme un logiciel propriétaire, la perfection n’existant pas dans notre monde. Pourtant le logiciel libre, de par ses lois écrites un peu partout dans les internets, apporte une force non négligeable. Comme son code source est ouvert, il est possible pour un expert de trouver l’origine de l’erreur et de la corriger ou d’expliquer aux développeurs comment ils doivent s’y prendre pour reproduire l’erreur. Le logiciel propriétaire ne permet que la soumission de rapport de bugs, quand cela est prévu dans le logiciel.

Autant un logiciel propriétaire qui est truffé de bugs est rageant et source de frustrations quand on a payé et que la boîte ferme, autant un logiciel libre est livré en l’état, avec un accès à son code source, sa recette de cuisine si vous préférez. C’est un tout autre exercice lorsque l’on n’est pas habitué. Le développeur, libriste ou non, ne vous doit rien. La boîte qui vend un produit ne vous doit rien non plus si ce n’est de proposer un outil fini et fonctionnel, au risque de subir une baisse de popularité jusqu’à la faillite. Sauf que le code source étant fermé, aucun gentil barbu ne pourra reprendre le projet là où il en était. De mon point de vue, c’est cette différence qui fait toute la force du logiciel libre.

Je ne sais pas coder, je ne peux pas contribuer

Et bien sachez que c’est… faux ! Vous ne savez pas coder mais peut-être pouvez-vous apporter autre chose que des scripts. Peut-être que le développeur n’a pas eu le temps de faire une documentation claire et complète, si vous aimez écrire, proposez vos modifications ! Si vous êtes à l’aise dans la langue utilisée par le logiciel dans son interface, peut-être que le développeur appréciera que vous lui proposiez une traduction dans votre langue maternelle ? Certains développeurs souhaitent également pouvoir consacrer davantage de temps sur leur projet, pour cela ils peuvent parfois faire un appel au don afin de pouvoir poser un congé sabbatique. Si vous en avez les moyens, n’hésitez pas à mettre la main à la poche, sinon parlez-en autour de vous ! Les petits ruisseaux font les grandes rivières.

De toute façon c’est moche

Alors oui, c’est vrai que plusieurs de ces logiciels et outils sont bruts de décoffrage, mais pas tous. C’est aussi et surtout une question de goût, la plupart du temps. Peut-être les trouvez-vous laids tout simplement parce que vous êtes habitués utiliser des logiciels sur lesquels plusieurs développeurs et designers ont travaillé dessus, et sont payés pour le faire. Dans le monde du libre, ce sont souvent des bénévoles qui développent, sur leur temps libre, et ils sont confrontés aux même difficultés que les « professionnels », ils ont juste souvent moins de temps à consacrer à l’aspect visuel qu’à l’aspect technique, quand ils ont des notions de graphisme, ce qui n’est pas toujours le cas ! Les graphistes libres sont souvent appréciés à leur juste valeur et leur contribution est la bienvenue.

Je vois régulièrement passer un débat, dans le monde du libre, que je juge un peu stérile entre les développeurs et les UI/UX designers. Souvent les derniers reprochent aux premiers de proposer des outils à l’interface ou à l’expérimentation utilisateur mal conçue ou pensée. Euh, sinon, au lieu de tirer sur l’ambulance, pourquoi ne pas proposer votre expertise ? Oui un développeur n’est pas forcément un UI/UX designer averti et ne pense pas toujours à l’accessibilité (pour les déficients visuels notamment), ni au « beau », mais leur taper dessus ne fera pas avancer le schmilblick non plus. Tout ce que je vois ce sont deux communautés complémentaires qui creusent un fossé entre elles au fur et à mesure, et ça ne me plait pas. Ce n’est pas vraiment ce que j’entends par « l’esprit du Libre ». Et si au lieu de nous écharper nous essayons de travailler main dans la main ?

Si à la lecture de ce paragraphe j’ai froissé certaines personnes, ce n’était pas le but, juste un appel à l’aide d’une personne qui aime sa communauté et n’aime pas les conflits quand ceux-ci n’ont pas toujours lieu d’être. Vous faites tous un travail formidable !

Je ne peux pas l’utiliser correctement avec mon handicap

J’ai récemment découvert l’association Liberté 0, qui reprend la première loi du logiciel libre : « la liberté d’exécuter le programme, pour tous les usages » (source Wikipédia). Pour tous les usages, donc aussi pour les non valides. Cette association comprend des valides et des non valides, travaillant tous de concert pour trouver les problèmes d’accessibilité et d’utilisation dans les logiciels libres. Lorsqu’un problème d’accessibilité est découvert, un rapport de bug est rédigé et envoyé aux développeurs afin que ceux-ci puissent en tenir compte. Du fait de la licence utilisée par la plupart des logiciels libres, certains membres pourraient aussi proposer des correctifs.

Le libre c’est que de l’informatique

Il est vrai que le libre n’est souvent présenté que sous son aspect informatique, mais il est bien plus vaste que cela. Il s’agit d’une culture à part entière : musique, chanson, dessin, bande dessinée, livres… Et même de la science !

Vous voulez un exemple concret de culture libre que vous utilisez probablement tous les jours ? Wikipédia ! Malgré tout le mal qui a pu être dit sur cette encyclopédie universelle, tout le monde peut y contribuer, mais pas de n’importe quelle façon. Il y a des règles à respecter telles que sourcer les informations, respecter les standards d’édition, ne pas créer une nouvelle page si une page sur le sujet existe déjà… Il y a également toute une équipe d’administrateurs et de modérateurs pour vérifier les pages, vous pouvez aussi signaler des erreurs écrites et indiquer les correctifs à apporter. Il arrive bien sûr que quelques hoax (canulars) apparaissent, mais de par l’étendue de sa communauté, ces pages peuvent être signalées, vérifiées et, le cas échéant, supprimées ! Certaines pages sont écrites par des experts de différents domaines mais les amateurs (au sens littéral, qui aiment) peuvent aussi apporter leur pierre à l’édifice. Vous êtes passionnés de mythologie nordique et il manque l’un de vos dieux favoris au Panthéon ? Proposez une nouvelle page ! C’est aussi simple que cela, ça ne vous apportera rien si ce n’est la satisfaction de diffuser le Savoir —avec un grand S— à l’humanité.

Conclusion personnelle

Étant moi-même plutôt geek, je crois, j’ai plongé dans le monde du libre par la porte du logiciel. Au fur et à mesure de mon évolution, j’ai découvert tout un pan culturel qui me semblait inaccessible, comme accéder à des connaissances scientifiques, écouter de la musique gratuitement sans avoir l’impression d’être une méchante pirate ou de me faire fliquer par les GAFAM, lire des romans ou même donner des sous à des associations qui promeuvent ces initiatives ! J’aime vraiment cette communauté ouverte et disponible, même si nous avons aussi nos « grincheux » et nos « extrémistes ». Quelle communauté n’en n’a pas ?

Je contribue aussi dans la mesure de mes moyens à la communauté. Je suis régulièrement aux Premiers Samedi du Libre où je vous accueille et vous guide avec mes copains de Parinux et des autres associations, le tout bénévolement. Je parle aussi autour de moi des outils libres que je connais, je discute avec des libristes dont certains sont développeurs et, parfois, souvent sans le savoir, je les « débloque » dans leur avancement, ne serait-ce qu’en faisant un échange de point de vue ou en posant une question en toute naïveté. Je fais aussi parfois des dons aux associations quand je pense que leur combat est juste et nécessaire, et que j’ai envie de les aider mais que j’aimerai faire plus que de parler de leurs actions !

Si j’arrive à contribuer sans coder, alors pourquoi pas vous :) ?


Source de l’image d’accroche : un ciel bleu au milieu des nuages, m’évoquant la liberté. Photographié par Simon, sous licence CC0 sur Pixabay