Blog de Norore
Geek en perdition dans un monde qui va trop vite

Quel serait mon emploi de rêve ?

14 May 2017 - Norore
Un ordinateur portable sur lequel repose un cahier et un stylo, sur la droite, un café.

Alors que je me prépare à bientôt quitter mon travail actuel, officiellement le 3 Juillet, et au moment où je commence à éplucher les offres dans mon domaine, se pose la question fatidique suivante : mais en fait, c’est quoi qui me fait envie/rêver pour un futur emploi ? Alors oui, j’aime la biologie, ce qui m’attire et me motive le plus c’est la génétique et essayer de comprendre comment certaines maladies peuvent survenir, le tout en m’aidant de l’outil informatique en développant des outils et des pipelines. Mais est-ce suffisant ? Qu’est-ce qui m’a vraiment attirée dans ce domaine, en dehors de l’aspect biologie ET informatique ? Qu’est-ce que je voudrai vraiment faire à l’avenir ?

Aux origines

Un faux départ ?

Au début de mes études, lorsque j’étais encore une jeune personne naïve et pleine d’illusions, je me voyais faire des études brillantes et commencer une carrière d’enseignante-chercheuse en oncologie (l’étude des cancers) vers 28 ans, en comptant le temps de thèse et un post-doc. L’innocence de la jeunesse :-) !

Je me suis vite heurtée à un immense mur qui s’appelle “réalité”. Et il fait toujours aussi mal, 13 ans plus tard. J’ai certes pu finir mes études, mais elles ont été très différentes. J’ai pu passer ma licence de Biologie Cellulaire et Physiopathologie, au rattrapage et dans la douleur, mais je l’ai. Le par coeur et moi, c’est tout une histoire de (dés)amour ! J’ai adoré les cours, je me maudissais même de ne pas avoir passé mon permis plus tôt, m’obligeant à préparer la conduite sur les heures de cours magistraux, heureusement qu’il y avait les copines pour me prêter leurs notes pour les photocopier ! Par contre, qu’est-ce que je peux haïr la logique du “apprends ton cours, ça te servira plus tard !”. Pour certaines matières, oui, ça me sert aujourd’hui, même si j’ai dû les revoir à mon rythme et à ma façon pour me les réapproprier, pour d’autres, j’attends encore de savoir dans quel contexte ça va bien pouvoir me servir…

J’ai aussi été très franchement déçue de constater que l’accès à la Connaissance, qui devrait, selon mon point de vue, être universel, ne l’est en fait pas vraiment. Cet accès est même plutôt cloisoné. Douche froide à ce moment là, mais j’y reviendrai plus tard.

Ou une vocation ?

Même si la première partie semble augurer un changement d’orientation, en fait, pas du tout. J’ai, au cours de ma seconde année de licence, pu découvrir, avec bonheur, que l’on pouvait faire de la biologie ET de l’informatique. Oui, j’étais déjà geek. C’est donc tout naturellement que j’ai réorienté mon choix de carrière dans le domaine de la bioinformatique, autant vous dire que je planais lorsque j’ai reçu la réponse d’acceptation en master !

Au cours de mon master, j’ai ainsi pu être mieux formée que je ne l’étais déjà (j’étais autodidacte en PHP, HTML et CSS) en algorithmique et programmation. J’ai aussi pu apprendre à mieux formaliser mes idées par le biais des différents projets de programmation et rapports à fournir. Bien sûr, la partie biologie avait fortement diminué mais il restait au moins une petite part de génétique, en dehors des TP sur les banques de données biologiques. Je vous rassure, je n’ai pas retenu que ça !

J’ai ensuite pu réaliser un stage en modélisation à Montpellier, ça m’intéressait beaucoup, malheureusement, ayant des lacunes en mathématiques, ça a été assez dur pour moi, même si j’ai réussi à suivre et à faire un premier modèle ! Cela ne m’a pas empêchée, par la suite, de trouver un emploi dans une unité spécialisée en épidémiologie génétique (humaine). Ni de me diriger vers un poste plus dans l’intégration de données d’échantillons. Et même si ça n’est pas facile tous les jours, j’apprécie mon début de carrière, où j’ai pu apprendre énormément de choses, tant dans mon domaine, que sur moi-même.

Et parce que je sais que la question est sur toutes les lèvres (aheum…), non, je n’ai pas poursuivi en thèse, et, oui, j’ai eu mon Master. Et avec mention Bien, s’il vous plait ;-) !

Frustrations…

Dans tout ça, je suis bien évidemment souvent confrontée à un ensemble de frustrations. Si vous avez lu mes billets précédents sur la communication et la documentation, vous avez déjà une petite idée de mon état d’esprit socioprofessionnel. Parmi les différentes frustrations que je rencontre, il y en a deux, voire trois, en particulier qui montent régulièrement à la surface :

  1. les publications scientifiques en accès non libre ;
  2. les logiciels et outils fermés ;
  3. la crainte de se faire coiffer au poteau par un concurrent.

Libérez vos recherches !

Il m’arrive régulièrement de tomber sur des articles scientifiques dont le sujet et/ou le résumé (abstract) m’intéresse. Dans ces cas là, j’ai envie de les lire, de savoir quelles méthodes ont été développées et quelles découvertes ont été trouvées. J’aime beaucoup les articles en accès libre car ils permettent d’être lus par tous, y compris le grand public pour peu que ces personnes aient suffisamment de culture scientifique pour les comprendre dans les grandes lignes. Je suis souvent frustrée de tomber sur des articles qui tapent pile dans ce que je cherche et que je ne peux lire ni chez moi, ni sur mon lieu de travail lorsque mon employeur n’est pas abonné au journal. Et payer 30$ (environ 30€ au cours actuel) pour un article de 5 pages, références incluses, ça ne m’incite pas à poursuivre ma lecture ! Et que doit aussi en penser aussi le grand public curieux qui s’intéresse à ce type de recherche ? De mon point de vue, cela contribue à entretenir cette « magnifique » réplique de l’Histoire : « Des chercheurs qui cherchent, on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche ! », merci Général… Ça fait beaucoup rire le grand public, moi ça me frustre et me braque ! Et partir du principe que « ce journal est mieux, il a un gros impact factor, par contre il faut payer 300$ de plus pour que ce soit en open access », je ne suis pas sûre que ce soit une bonne solution pérenne.

Fournissez plus de liberté d’utilisation

Bien qu’il existe de plus en plus d’outils informatique scientifiques libres et ouverts, nous sommes toujours dans l’obligation d’utiliser des logiciels privateurs ou sur lesquels nous n’avons pas, en tant que programmeurs, une assez grande marge de manœuvre, pouvant encore laisser voir le bioinformaticien, dans certains laboratoires, comme un «clic-bouton» ! Fournissez nous au moins une API, même minimaliste, laissez nous la possibilité d’effectuer des requêtes SQL sur la base de données que nous construisons avec votre logiciel, quitte à brider certaines requêtes, comme nous empêcher de supprimer des tables ! Enfin, fournissez une vraie documentation utile, pas seulement pour un biologiste (scoop : ils n’aiment pas lire une documentation, ils n’en ont pas le temps) mais aussi pour un développeur (scoop : je n’aime pas lire l’intégralité d’une documentation de plus de 100 pages et ne pas trouver l’information utile que je cherche). Il m’arrive même parfois de trouver une solution, non documentée de façon claire et explicite, en m’étant cassée la tête pendant plusieurs heures, pouvant donc potentiellement passer pour quelqu’un de peu efficace aux yeux de mes collègues. Ou alors, fournissez plus d’exemples d’utilisation au fur et à mesure des retours de vos utilisateurs et/ou clients.

Bien sûr, dans tout ce que je viens de critiquer, cela s’adresse également aux outils libres que je suis susceptible d’utiliser.

Travaillez en bonne entente

Quel que soit le domaine de recherche, public ou privé, que je l’ai constaté de visu ou eu des échos, il ne faut pas communiquer sur les recherches en cours, parce que sinon untel va publier là-dessus avant nous et donc on perdra notre paternité. Étant donné la logique actuelle dans le monde de la recherche scientifique, je peux le « comprendre ». Mais étant libriste et bidouilleuse, j’ai un peu de mal à le digérer. Est-ce que vous vous imaginez le temps que l’on peut perdre à ne pas pouvoir communiquer autrement que de façon vague auprès de nos pairs ? Comment peut-on seulement accepter sans râler, et je suis une grande râleuse, de passer une semaine voire un mois à trouver une solution puis, une fois l’article publié, parfois X années après, apprendre qu’il existait en fait une solution bien plus rapide et efficace dans un autre champ de recherche ? Et encore, quand ça n’est pas carrément un des relecteurs qui vous l’apprend. Coucou le Syndrome de l’Imposteur ! Coucou les collègues !

De plus, parmi les problèmes soulevés, il y en a un qui n’est jamais exposé, pas même dans les articles, même s’il semble que certains se relèvent les manches pour y remédier : les résultats négatifs. Citez-moi un journal qui publie des articles dans lesquels les auteurs décrivent point par point leurs échecs. La plupart (la totalité ?) des articles n’exposent que les résultats qui ont marché. Combien de biologistes se sont demandés comment les auteurs d’un article ont pu réussir les expériences décrites et les reproduire quand eux-même échouent lamentablement sans comprendre pourquoi ? Il arrive aussi que des articles décrivant des résultats de calcul soient difficiles à utiliser avec des données différentes de celles utilisées, même en cherchant à fournir un fichier d’entrée avec exactement le format attendu, ce qui est aussi assez frustrant ! Pour cela il faut donc pouvoir contacter les auteurs pour leur demander comment ils ont fait. Or, si vos données sont privées, il peut être difficile, voire hasardeux, de vous aider comme il se doit. Les auteurs pourront, au mieux, vous donner des pistes, au pire, vous souhaiter bon courage et bonne chance !

Et Espoir !

Avec l’avancée actuelle des technologies et la prise de conscience et de positions de certains groupes, certains semblent mieux se rendre compte de l’intérêt du logiciel libre. Certains instituts semblent même éviter de plus en plus le monde merveilleux de Microsoft et ses backdoors (portes dérobées), en utilisant d’autres systèmes d’exploitations tels que OSX (Apple, donc privateur mais plus respectueux de la vie privée) voire GNU/Linux. Il y a également des instituts qui communiquent de plus en plus sur les découvertes récentes réalisées par leurs équipes en bloguant dessus, tout en cherchant à faire de la vulgarisation (INSERM, CNRS, Institut Pasteur pour ceux que je suis).

Pour moi, l’idéal serait donc de travailler en bonne entente avec l’ensemble de mes collègues et de mes pairs, en ayant le contrôle des outils que j’utilise (GNU/Linux power!) et/ou développe ainsi que des données claires, précises et documentées ! Il n’y a rien de pire et de plus démotivant, pour moi, que de devoir travailler sur des fichiers mal formatés, non documentés, et dont personne n’est capable de savoir autrement qu’en devinant ce qui a pu se passer. Si vous voulez que je travaille efficacement et avec plaisir, c’est donnant-donnant. Je m’efforce toujours de fournir une documentation claire et précise si l’on m’en laisse le temps, quitte à rester tard, je me force aussi de plus en plus à communiquer lorsque je suis bloquée, aussi je trouve normal que ce soit réciproque. J’aimerai aussi pouvoir ne pas faire uniquement de la programmation, je voudrai aussi pouvoir faire de la veille technologique ET scientifique.

Il y a aussi une chose qui est rédhibitoire pour moi : les open space. Je ne supporte vraiment pas de savoir que n’importe qui peut entrer dans le bureau et voir mon écran. Les discussions, même chuchotées, ont également tendance à me stresser et surtout me déconcentrer. Ou alors, acceptez le fait que je m’isole phonotiquement et que je soupire quand vous venez me parler pendant que je suis plongée dans mon travail. Je préfère jouer franc-jeu de ce côté-là, au bout de 5 ans de travail, je commence à mieux cerner comment je suis et comment mes réactions peuvent être plus ou moins bien interprétées. Je suis prête à faire des efforts, j’en ai fait énormément et continue d’en faire, je me suis beaucoup améliorée socialement, mais si c’est à sens unique, attendez-vous à ce que je finisse par m’isoler et me contenter de faire mon travail, et seulement être professionnelle.

Je m’intéresse depuis longtemps à la santé et je me suis découverte une forte attirance pour la génétique, bien qu’aimant toujours autant les animaux et m’émerveiller devant les découvertes en évolution. Dans l’idéal, j’aimerai travailler dans la recherche sur le cancer, pour comprendre comment il survient et quelles stratégies nous pourrions mettre en place pour que, à l’avenir, il soit possible de le soigner aussi facilement qu’une égratignure.

J’ai bien conscience que tout ceci est utopiste, il me faudra faire des concessions, mais je suis sûre qu’un jour, ensemble, nous pourrions travailler en bonne entente. Que ce soit dans le privé ou dans le public. Seriez-vous prêt(s) à tenter l’aventure avec moi dans votre équipe :-) ?


Source de l’image d’accroche : Travail et café, par Freepht, sous licence CC0 sur Pixabay