Blog de Norore
Geek en perdition dans un monde qui va trop vite

Bio-quoi ?

28 Jul 2016 - Norore
Une personne portant des lunettes dans un environnement futuriste. Ses doigts permettent d’afficher des données autour de lui comme si l’air agissait comme un écran. On peut notamment y voir la molécule d’ADN, une empreinte digitale et la carte du monde avec des cibles.

“La bioinformatique ? Jamais entendu parler. C’est nouveau ?” Si j’avais reçu un euro à chaque fois que j’ai entendu ça, j’aurais vraisemblablement pu monter mon propre cluster de calculs.

Mais d’abord c’est quoi, concrètement, la bioinformatique ? Que l’on soit technicien de surface ou biologiste, on a tous eu la même réaction. Je vais essayer dans ce billet de vous expliquer ce que c’est, à quoi ça sert, dans quels secteurs ou domaines on en fait, quel (s) diplôme(s) faut-il et où se former. Bref tout un programme. Prêt ? Alors, bonne lecture !

Bioinformatique, pour les “nuls”

J’ai pour habitude de répondre aux gens, en général, que :

La bioinformatique est l’utilisation de l’outil informatique pour analyser les données biologiques.

C’est évidemment assez réducteur mais pour Monsieur et Madame Tartampion, ça suffit largement. S’ils veulent en savoir plus, je leur en dis plus, bien sûr ! Bon allez, comme je ne suis pas une sauvage, je vais en parler davantage, tout en restant dans la généralité.

Imaginez que vous avez devant vous une forêt. Pour cette forêt vous pouvez vouloir connaître :

  • sa superficie
  • sa flore
  • sa faune
  • ses sentiers

Pour ce qui est de la superficie et des sentiers, rien ne vaut une bonne carte à jour. Ensuite vous pouvez faire votre liste pour chaque sentier. Pour ce qui est de la flore et de la faune ça peut vite devenir compliqué. Combien d’animaux/plantes ? Quel type d’espèce (félins, canidés, rongeur…) ? Combien de juvéniles, de séniors ? Combien de malades ? Quelles maladies, est-ce contagieux ?

Bref, vous l’aurez compris, plus on s’intéresse à un sujet, plus les données peuvent grossir, et du coup, le calcul à la main devient très vite compliqué. C’est là que la bioinformatique intervient. Alors certes, l’exemple que je vous ai illustré repose pour beaucoup sur les statistiques, mais ça reste des données simples à visualiser pour un novice.

Plus concrétement, sans entrer dans les détails, qu’est-ce que l’on fait en bioinformatique ? Juste des analyses de données ? Juste de la programmation ? Juste de la mise en forme de tableur ? Et bien, un peu de ça et en même temps, pas complétement. (PS : pitié, ne faites pas de mise en forme de tableur s’il doit être traité informatiquement après, jamais !)

La bioinformatique est une discipline scientifique à elle toute seule. Bien sûr le bioinformaticien à plusieurs casquettes : biologiste, informaticien, statisticien, magicien, sorcier… Et ce sont ces différentes casquettes qui font toute la force de son travail pluri-disciplinaire.

Ça y est, j’ai lâché le gros mot ! Pluri-disciplinaire ! Certains scientifiques n’aiment pas ce terme, qu’ils jugent un peu fourre-tout, mais comment définir ces scientifiques capables de comprendre deux disciplines scientifiques diamétralement opposées ? Demandez à un biologiste de faire de la physique quantique, il aura du mal. Par contre, un biophysicien pourrait s’y mettre si sa fomation en physique est suffisamment solide. Et bien le bioinformaticien, c’est à peu près la même chose : un biologiste capable de faire de l’informatique, parce qu’il a été formé pour ça ! Pour ma part, pour rappel, j’ai une licence de biologie et je me suis ensuite spécialisée en bioinformatique. J’ai appris l’algorithmique et la programmation durant mon master, bien que j’ai eu un aperçu de la programmation, avec Python, en licence. Mais ma licence seule de biologie ne pouvait pas me qualifier de bioinformaticienne. Grâce à mon master, et mon expérience, plus.

Maintenant que vous voyez un peu mieux ce qu’est la bioinformatique, petite mise en bouche sur ce domaine de recherche. Parce que oui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, on peut faire une thèse et de la recherche en bioinformatique ;) !

Au cœur de la bioinformatique

Si vous avez bien suivi jusque là, vous aurez compris que le bioinformaticien est l’expert (Yeaaaaaah!) du laboratoire. Si une solution informatique doit être mise en place pour répondre à une question biologique, c’est vers lui que les biologistes se tournent. Normalement. De ce fait, un bioinformaticien peut être amené à travailler dans des domaines aussi diverses que variés : génétique, imagerie, modélisation, laboratoire de recherche, clinique…

Côté génétique

En génétique, la bioinformatique permet d’analyser des giga, voire des téraoctets, entiers de données. Bien sûr cela a été rendu possible grâce aux avancées technologiques de la recherche en physique et en informatique. Sans un espace de stockage suffisant, on en serait encore à étudier la génétique bactérienne. Sans une puissance de calcul suffisante, nous ne pourrions pas analyser des génomes (tout le code génétique d’un être vivant) entiers entre eux.

Lorsque l’on parle de la génétique, on ne parle pas seulement de la séquence de la molécule d’ADN mais également de tout ces à côté : les ARN, ces petites molécules portant l’information sur la protéine à produire, les micros ARN, que l’on commence tout juste à comprendre, les variants génétiques, qui peuvent apporter une mutation entraînant une maladie ou un “bonus” à l’individu.

En bioinformatique, à partir d’une séquence d’ADN et de nos connaissances actuelles sur les organismes étudiés, nous sommes capables de prédire, avec plus ou moins de précision, où sont situés les gènes et quels sont leurs effets. C’est un véritable apport majeur pour la biologie. On a ainsi pu passer de la paillasse (le plan de travail en laboratoire) au silice afin d’accèlérer les recherches. Grâce aux différentes banques de données, un bioinformaticien et un biologiste peuvent maintenant essayer de définir si un variant génétique, à un endroit précis du génome, peut ou non être responsable du phénotype (trait observable comme la couleur de la peau ou la densité osseuse) étudié.

Bien sûr, tous ces calculs nécessitent de rester à jour sur les avancées en biologie (biologie cellulaire, biologie moléculaire, médecin, pharmacie…) afin d’apporter une plus-value aux résultats obtenus. Il est également vital d’avoir un minimum de connaissance du sujet afin d’avoir un suffisamment bon recul des résultats produits. Imaginez que vous travaillez en hôpital, et, que vos résultats indiquent que le patient est censé être décédé, depuis plusieurs années, d’une cirrhose du foie alors qu’il est en vie et qu’il vient pour des douleurs articulaires chroniques d’origine inconnue. Vous serez rapidement la risée de tout le service pour lequel vous travaillez.

Oh les belles images !

L’acquisition d’images est une partie visible de l’avancée scientifique auprès du grand public. Seulement voilà, la qualité des images produites dépend souvent de la qualité de l’instrument utilisé. Le biologiste a donc besoin de pouvoir distinguer de façon nette et précise ce que l’image renvoie. Il faut donc pouvoir améliorer la qualité du cliché produit sans en altérer l’information. Même si vous êtes un pro de Photoshop ou de The Gimp, vous serez très vite limité si vous devez compter le nombre de cellules présentes. Pour une seule image, vous pourriez éventuellement les compter à la main. C’est ce que faisait les premiers observateurs à l’arrivée du microscope. Cependant cette méthode n’est pas fiable, d’une part, et fastidieuse si vous devez traiter des centaines d’image, d’autre part. Dans ce cas, vous aurez besoin d’un logiciel d’analyse d’image performant, tel qu’ImageJ.

Si vous travaillez dans un laboratoire spécialisé en imagerie, il vous faudra donc des connaissances poussées en analyse d’image, ce qui inclue les algorithmes utilisés. Si vous êtes allergique aux mathématiques et refusez catégoriquement de vous y mettre, bon courage.

Bien sûr l’imagerie ne se limite pas à des clichés pris au microscope, elle couvre différents champs : les scanners, les IRM, les radios, les microscopes à confocale (ils “découpent” l’objet observé en tranche, un peu à la manière de l’IRM, mais avec une autre technique).

Je ne vais pas trop m’étendre sur l’imagerie, je n’en ai ni les compétences, ni les prétentions et je préfère rester vague plutôt que de dire de grosses bêtises.

S’il te plait, modélise-moi une protéine

Encore un sujet sur lequel je ne suis pas spécialisée mais qui a tout de même son importance. Pour ce type de modélisation, le bioinformaticien doit avoir des connaissances en chimie, en physique, en mathématique et également en biochimie (chimie du vivant).

Vous pouvez avoir un aperçu de la modélisation sur ce billet proposé par Bioinfo-Fr, rédigé par Gophys. Et si vous voulez aller plus loin, vous pouvez également lire ce super billet, toujours proposé par Bioinfo-Fr, et rédigé par wj.

C’est ça que je veux faire, où est-ce que je signe ?

Bien jeune padawan, tu sembles motivé pour te lancer dans cette belle aventure ! Comme je suis généreuse, et flemmarde, je peux te proposer de choisir ta formation sur cette page recensant toutes les formations de bioinformatique en France. Je félicite et remercie l’association des Jeunes Bioinformaticiens de France (JeBiF) pour cette superbe initiative !

Si vous êtes biologiste et que vous cherchez votre bioinformaticien rien qu’à vous, n’hésitez pas à proposer votre annonce sur la liste de diffusion de la Société Française de Bioinformatique (SFBI). Vous êtes bioinformaticien, ou futur, et vous cherchez un emploi ? N’hésitez pas à consulter cette page, toujours sur le site de la SFBI.

Vous êtes bioinformaticien vous-même, ou “simple” biologiste, et vous avez une question d’importance capitale à poser ? Avez-vous déjà songé à faire un tour du côté de Biostars :) ? Vous y trouverez plein de gens sympas qui se feront un plaisir de vous aider. Étudiants qui venez poster votre question pour qu’on fasse votre projet à votre place, passez votre chemin, ce n’est pas le but du forum ;) !


Source de l’image d’accroche : Bioinformatique, par andrelyra, sous licence CC0 sur Pixabay